COMME UN ÉTÉ !


Enfin l'été !

Vous m’avez manqué !
Comment allez-vous ?
J’ai eu envie de prendre de vos nouvelles avant la pause estivale.

Enfin l’été !
Vraiment ?

L’été, la saison des réjouissances et des nourritures terrestres.  
Après cette époque inédite ! Inédite, sans doute le mot le plus écrit, après Confinement bien sûr, Covid évidemment, et sûrement Corona… et puis le mot Sidération ne fut jamais bien loin non plus.  

Oui alors, comment ça va ?
Un peu égarés, non ?
Pendant le confinement, j’ai relu ce livre « Guide des égarés » de Jean D’Ormesson. Il passe en revue des thèmes existentiels comme le temps, la mort, la vie, le bonheur, la beauté…et tente de répondre à cette question bien vaste et peu originale : « Qu’est-ce que je fais là ? » mais, si on est honnête, par les temps qui courent, c’est parfois difficile d’y répondre.
Ne trouvez-vous pas ?  

Chez moi, eh bien, c’est flottant…
Du flottement, ce n’est pas désagréable mais pas vraiment confortable non plus !
La rive m’apparaît encore bien lointaine, et puis ça tangue : une deuxième vague, pas de deuxième vague ???
C’est comme si une partie de moi restait en vigilance Orange, comme ça à l’arrière-plan, un peu comme un chien de prairie, débout, à l’arrêt, incertaine cet été de pouvoir goûter et jouir des fruits de l’été.  
D’abord, j’ai le sentiment qu’une partie de l’année m’a été volée, j’ai été spoliée d’un bout du film, il me manque un bout de vie. Avec à la fin, une étrange sensation de sortie de tunnel, comme si mes yeux mais pas seulement, devaient se réaccoutumer au monde d’Aprés…  

Et pourtant comme pour d’autres ce confinement, fut fabuleux de découvertes et de créativité. Tout méditant rêve de ça, vivre le retrait, la simplicité des jours, la bonté de l’instant présent, la générosité de la vie et son abondance, le temps qui s’étire et le silence qui s’invite, même en ville, le silence avait établi sa demeure.
Le temps du confinement pouvait par moment avoir le goût du paradis. Par moment seulement… Et pour certains seulement…
Car pour d’autres ce ne fut pas loin de l’enfer, tellement c’était plein, même trop plein, une porosité accrue entre les vies pro et perso et des frontières qui s’estompent quand on a son bureau dans son lit.  

Et maintenant ?  

Eh bien, c’est presque plus compliqué. La prison-confinement, toute proportion gardée bien entendu, avait ça de confortable, que les règles étaient claires et le demain presque prévisible, depuis la prison s’est envolée et incertitude et insécurité sont toujours là, elles se collent à nous comme des amies indésirables, pas vraiment disposées à nous lâcher.  

«N’appelez pas cela incertitude – appelez-le Autrement. N’appelez pas cela insécurité – appelez-le Liberté » Osho.
Voilà une voie.
Une invitation audacieuse.  

La voie, non de l’injonction mais d’une invitation à ouvrir un espace de conscience où nous tenterions de voir, d’observer quand le regard se ferme, l’esprit se limite et les émotions nous submergent, et sans jugement de relâcher la tension mentale, de respirer, se détendre et choisir.

Peut-être vous connaissez cette citation ?
« Entre le stimulus et la réponse il y a un espace, dans cette espace se trouve notre réponse et dans notre réponse se trouve notre croissance et notre liberté »
Elle est de Viktor Frankl. Nombre de nos difficultés viennent de notre réactivité, du peu d’espace entre le stimulus et la réaction. Trop souvent nous sommes « agis plus que nous n’agissons » nous vivons en pilote automatique. Les conditionnements, les modes mentaux automatiques régissent nos vies, dirigent nos choix, enferment nos envies profondes. Ce sont des dictateurs silencieux mais terriblement efficaces. Cette modalité mentale est encore accentuée en période de stress.  

Dans la méditation pleine conscience nous apprenons, grâce à la pratique, à créer et déployer l’espace entre le stimulus et la réaction, pour passer, pour être en mode «Réponse » et quitter le mode «Réaction ». Dans cet espace, réside notre discernement, notre liberté de choix et la liberté tout court. Un espace que les méditants connaissent, rencontrent et peuvent sentir physiquement, sensoriellement, cet endroit « spacieux » entre l’inspire et l’expire, si vide et si plein, le champ infini de la conscience.  

Nous voilà en été, alors cette année plus que jamais, prenez soin de vous ! Nous avons tous besoin de prendre soin de nous, physiquement, émotionnellement, affectivement et spirituellement.  

Spirituellement, comment ça ?
Prendre soin de soi, est-ce de la spiritualité ?
Oui, c’est ce que les grecs nomment l’Epimeleia Heautou, se soucier de soi-même qui est associé au Gnôthi Seauton, célèbre formule figurant sur le temple d’Apollon, «Connais-toi toi-même» de Socrate, l’un ne doit pas être négligé au profit de l’autre. C’est une articulation dynamique qui par la prise de conscience qu’elle constitue est déjà une voie de transformation en elle-même.
Et tenez vous bien, rien d’égoïste dans cet acte, c’est même le premier conseil de Socrate à Alcibiade, qui ambitionne de gouverner la cité, Socrate lui recommande, pour bien s’occuper de ses citoyens, de se regarder lui-même et de connaître ce soi-même. Le souci de soi n’est pas un retrait, un désengagement du monde, mais au contraire, c’est apprendre à se situer dans l’action entreprise. Pour Socrate le souci de soi n’est jamais séparé du souci des autres.  

Epimeleia Heautou, est très proche de ce qui se pratique dans l’Assise méditative, une des pratiques de la pleine conscience, où nous ne menons pas d’introspection mais plutôt posons un regard, un regard éveillé et conscient sur la manière dont nous sommes en relation avec les situations, les émotions, les pensées et nous observons en témoin :
Quel sujet sommes nous face aux évènements de notre vie avec notre environnement ?  

Nous faisons de la méditation une contemplation dynamique, une immobilité battante*! L’Assise dans la méditation serait cette alliance improbable, cet oxymore : Une immobilité battante? Oui, radicalement, oui ! Certains voient la méditation comme une pratique molle et peut-être même paresseuse. S’assoir et ne rien faire, quelle idée…quand il y a tant à faire de par le monde ! N’est-ce pas de la paresse ou même de la faiblesse ?
En réalité, l’immobilité demande de la détermination et du courage, celui de ne pas faire comme d’habitude, par exemple de fuir le désagréable, l’inconfortable.
Dans l’immobilité on décide de faire face, de ne pas se dérober devant ce qui nous gêne mais de le regarder droit dans les yeux, et s’ils sont fermés c’est pour mieux sentir et voir. La détermination quant à elle n’est pas de l’ordre de la volonté, ni du faire mais sa nature est tranquille, une tranquille certitude d’être là, vraiment là.
Être là, totalement et pleinement dans le confort et l’inconfort, nous permet de vivre toute notre expérience humaine, de la laisser se manifester, sans choix égotiques. Et ça c’est du courage, le courage d’être soi.
Dans cette pratique spirituelle, nous nous rencontrons et nous nous offrons le cadeau sans doute le plus précieux d’une existence : notre présence attentive et vivante.   Peut-être que dans ces temps troubles et confus, la spiritualité devient un recours, un chemin qui ouvre les consciences et les cœurs et en devient une urgence.  

Ici, je ne voudrais pas vous quitter sans vous partager ce merveilleux texte :
« À la question toujours encombrante : qu’est-ce que tu écris en ce moment, je réponds j’écris sur les fleurs, et qu’un autre jour je choisirai un sujet encore plus mince, plus humble si possible. Une tasse de café noir, Les aventures d’une feuille de cerisier. Mais pour l’heure, j’ai déjà beaucoup à voir : neuf tulipes pouffant de rire dans un vase transparent. Je regarde leur tremblement sous les ailes du temps qui passe. Elles ont leur manière rayonnante d’être sans défense, et j’écris cette phrase sous leur dictée : « Ce qui fait événement, c’est ce qui est vivant, et ce qui est vivant, c’est ce qui ne se protège pas de sa perte. » Autoportrait au radiateur, de Christian Bobin*.  

Une belle invitation de saison que celle de la contemplation, l’été reste un moment propice pour regarder les « ailes du temps qui passe » et saisir parfois l’éternité de l’instant, pour un instant, pour un instant seulement…  

Je serai, comme toujours, heureuse d’avoir de vos nouvelles, à vos claviers si cela vous chante, je vous répondrai.   Très bel été à vous !
 
Lisdalia.  

Été 2020, juillet

* le livre des petits étonnements du sage Tao Li Fu, de Jean-Pierre Siméon
* L’immobilité battante. Livre-entretien avec Tal-Coat, peintre.
* Autoportrait au radiateur, de Christian Bobin. Merci à l’amie qui m’en a fait le cadeau.


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