À L'OMBRE DE MON ARBRE


« L’arbre est devant la fenêtre du salon. Je l’interroge chaque matin :  

Quoi de neuf aujourd’hui ?  La réponse vient sans tarder, donnée par des centaines de feuilles : Tout » 

Christian Bobin

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À l’ombre d’un érable, j’observe la lumière du soleil qui joue avec les feuilles palmées, elles ballotent sous la brise et me font signe de leurs cinq doigts.

Sans relâche nous pouvons contempler du matin au soir, jour après jour, le même arbre, le même érable, il ne cesse de venir, d’être là, présent, dans cette rencontre avec ses formes bigarrées, ondoyantes, chatoyantes, irisées, bref multiples.

 

C’est l’été !

 

L’été : la saison de la plénitude où chaque chose donne son meilleur, comme cet érable, un arbre généreux, roi au Canada, un arbre aux milles cadeaux dont son précieux sirop doré.

 

J’ai eu envie de commencer ce billet en vous parlant d’arbres, j’ai choisi l’érable !

Mais j’aurais pu vous raconter le tilleul aux feuilles en forme de cœur, à la frondaison glorieuse, qui a si longtemps été un compagnon fidèle et qu’un jour, au retour d’un voyage, j’ai retrouvé tronçonné. Il gisait là, sa souche avec un cœur dessiné sur toute la surface, c’était ce qu’il restait de lui…

Ou pourquoi pas, vous parler de l’olivier sur mon balcon qui a eu un frère jumeau, aujourd’hui disparu, et se voit affronter seul ce climat inamical, pas vraiment fait pour lui mais il résiste. 

Peut-être atteindra-t-il les deux mille neuf cents ans de l’Olivier de Voùves* !

Ou encore du figuier commun, que je n’ai pas planté et qui pousse « par hasard » sur mon balcon dans son grand pot bleu indigo, la pleine terre lui manquera sans doute bientôt.

Et puis, côté jardin, non loin, se tient un orme au chaos feuillu, particulièrement flamboyant quand vient l’automne, une bien agréable compagnie devenue rare dans nos contrées.

 

Que serions-nous sans eux ?

 

Nous oublions, j’oublie souvent qu’ils me permettent de vivre et je rends hommage ici à ces êtres silencieux et inestimables.

« Ce monde végétal qui nous parait si paisible, si résigné, où tout semble acceptation, silence, obéissance, recueillement, est au contraire celui où la révolte contre la destinée est la plus véhémente, la plus obstinée (…) son idée fixe qui monte des ténèbres de ses racines pour s’organiser et s’épanouir dans la lumière de sa fleur, est un spectacle incomparable »

Maurice Maeterlinck, L’intelligence des fleurs (1907) 

De plus en plus fascinée par une des puissances de la terre, j’aspire à regarder les arbres de plus près, à pouvoir les saisir dans le creux de la main, à vivre à leur pied, un projet qui je l’espère verra bientôt le jour…

 

Regardons encore un peu l’Arbre, cette fois-ci avec Goethe :

« Croître comme l’arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant aux grands vents du printemps, sans craindre que l'été puisse ne pas venir ».

Il faut du courage en ces temps instables et incertains pour rester à la fois ancré et confiant dans les grands vents du printemps, sans craindre que l’été puisse ne pas venir...

Notre époque vacille, nos temps changent, saurons-nous changer avec eux, accompagner ce qu’ils nous demandent, exigent de nous ?

Boris Cyrulnik nous met en garde, il ne s’agit plus d’adaptation mais de mutation :

« À chaque changement de climat les végétaux s’adaptent et se transforment, ce qui n’est pas la même chose. Quand la plante s’adapte, elle fonctionne différemment mais ne change pas. Quand l’eau vient à manquer, la fleur replie ses pétales, la feuille se flétrit, ce qui diminue l’évaporation. Mais quand le changement s’installe durablement, ce système de défense ne suffit plus et, pour ne pas mourir, la plante se transforme et devient épineuse » 

La résilience, c’est, après un traumatisme, non pas fonctionner autrement mais se transformer. 

Serons-nous à la hauteur de cet enjeu de transformation à la fois individuel et collectif, chacun à sa façon, chacun à sa mesure mais, dans cette intention, cette conscience de l’impérieuse nécessité du changement profond et durable ?

 

Voici l’été et la pause estivale.

C’est bien à cela qu’invite la saison, une pause, se poser et se déposer dans l’air doux et les longues journées d’été.

Dans la méditation pleine conscience, un des points subtils est la rencontre avec la pause justement. En effet, il y a un intervalle, un espace, un vide entre l’inspiration et l’expiration. Lors de la pratique, à la fin de l’expiration, on s’entraine à amener son attention sur « la petite pause ».

Suivons le souffle et laissons l’attention se poser en douceur sur cette petite pause, c’est comme une suspension, un arrêt de la perception ordinaire qui s’ouvre sur un espace infini.

L’entrée dans cet intervalle embarque une forme d’alignement du corps et de l’esprit. 

Une expérience rare qui nous donne à sentir le « vivant » en nous, presque insaisissable et pour autant assurément et banalement humain. Pendant un court instant, un instant seulement... 

Si vous êtes curieux sans même être un méditant, vous serez peut-être tenté.e par l’expérience de la rencontre !

Sans doute la rencontre la plus précieuse, celle avec vous-même…

 

Dans cet espace subtil et sensible, peut survenir l’épochè, la suspension du jugement qui chez les philosophes grecs consiste à ajourner tout jugement concernant la réalité du monde pour se laisser la vivre et la ressentir. « Ne pas savoir ». 

Une des idées majeures que défend François Roustang dans son ouvrage, « Éloge du non-savoir » est la suivante : « C’est le non-savoir qui introduit l’être humain à ce qu’il est, à ce qui est là, se laisser être inspiré plutôt qu’être instruit ». J’inspire…

Finalement une introduction à la pleine présence, celle qui ne se vit qu’au présent.

« La présence pure » dirait Christian Bobin, l’amoureux du vivant et des choses simples. 

 

Je prépare un nouveau séminaire pour la rentrée sur l’Art de la Présence.

Sans trop dévoiler : on ne peut rentrer dans la présence que par les sens, le corps qui parle, qui se meut dans et avec les sensations. Une porte bien peu franchie dans la vie de tous les jours, où nous sommes pour la majorité d’entre-nous en pilotage automatique : je me lève, je me douche, je prends mon petit-déjeuner… et la journée va se dérouler sans même que l’on y prête attention, sur le mode « faire », trop connectés à la « Digital Life » pour au fond l’être vraiment à nous-mêmes.

Et si tous ces moments quotidiens et anodins, nous les rendions spectaculairement uniques ?

 

Comment ?

 

En l’invitant, « Elle », notre présence incarnée.

Quand j’écris « Elle », c’est que tout mon être est là !

Elle, la présence, ne mobilise pas seulement la tête mais aussi le corps, les sens, pour être entièrement là, « corps et âme », dirait-on !  Grâce à la présence, nous allons pouvoir nous consacrer exclusivement à ce que nous sommes en train de vivre, aux expériences du présent. Je passe alors en mode « Être », qui renvoie à une notion d’acceptation ou encore d’être pleinement là dans l’instant présent. C’est un mode voulu, il n’est actif qu’avec la conscience et va demander une décision, une intention orientée ! 

Il y a quelques avantages à ce mode de Vie plus contemplatif, plus méditatif, au sens le plus haut du terme : une présence au monde, une vie qui s’est vue portée jusqu’à son terme par le bonheur d’une présence où elle a pu prendre sa pleine mesure, donner sa pleine saveur. 

 

Que votre été vous apporte ce dont vous avez le plus besoin : partage avec les vôtres, découvertes, respiration, lecture, repos, silence, lumière, joie, légèreté, danse, farniente, marche, déconnexion… 

 

Si l'envie est là, n'hésitez pas, écrivez-moi quelques mots ! 

Toujours un plaisir de vous lire.

 

Lisdalia 

L’olivier de Voúves est un olivier dans le village d’Áno Voúves dans la région de La Canée en Crète. C 'est probablement l'un des plus vieux oliviers du monde, il produit encore des olives aujourd'hui.

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